Au-delà de l’horizon… La forêt enchantée d’Inari.

Lieu mystérieux, à la fois poétique et inquiétant, sombre et lumineux, Fushimi Inari Taisha éveille la curiosité, soulève des doutes, invite à la réflexion. Le complexe shinto est composé de divers sanctuaires reliés entre eux par un chemin de pèlerinage recouvert de milliers de torii vermillon qui serpentent à travers une dense forêt. Disséminés sur le site, près des sanctuaires, sur les sommets et dans les combes où jaillit l’eau, se dressent des dizaines de milliers de o-tsuka, stèles de pierre, et autels privés dédiés à la divinité de son choix érigés par les pèlerins. Situé sur l’île japonaise de Honshu, au sud de Kyoto dans le quartier Fushimi, le sanctuaire d’Inari englobe l’ensemble de la montagne, haute de 233 mètres, fascinant domaine où se confond le monde des esprits et celui des humains.

 

La forêt enchantée d’Inari, Kyoto, Japon, décembre 2017.

 

Il fait beau mais la température est glaciale. Depuis la gare futuriste de Kyoto nous empruntons la ligne JR Nara Line qui nous conduit jusqu’à la station Inari. Le train est bondé. Des Japonais surtout. Beaucoup de collégiens en uniforme. Quelques touristes chinois, coréens, thaïs. Après deux arrêts et à peine dix minutes de trajet, nous voilà arrivés. Le train se vide…

 

 

Le sanctuaire se situe juste en face de la gare et un peu affolés par la foule de visiteurs nous hésitons. Il y a tellement de monde ! Nous qui aimons les endroits calmes cette visite s’annonce compliquée. Après un temps d’hésitation, prenant notre courage à deux mains, nous franchissons un premier torii rouge ; le daiwa torri, surnommé ainsi pour ses anneaux placés aux piliers : les daiwa. Nous remontons lentement l’allée, sur le côté, car le centre est réservé aux dieux.

 

 

Fushimi Inari Taisha, le plus grand sanctuaire shinto du Japon fut édifié en 711 par le clan Hata d’origine coréenne. Il est dédié à la divinité Inari, protectrice des céréales, historiquement associées à la richesse. Jadis, le riz représentait l’étalon, l’unité de mesure, pour le calcul de toutes les autres valeurs. Ainsi le riz servait à établir l’impôt et le niveau de richesse de la population. À l’origine Inari, ina-nari, « croissance du riz » était probablement un kami, esprit, de la croissance du riz devenu la divinité tutélaire du clan Hata.

 

Le culte d’Inari est présent dans les deux grandes traditions religieuses du Japon ; le shinto et le bouddhisme. Inari est représentée par un renard, kitsune, considéré comme son messager ou comme la divinité elle-même. Elles vont souvent par paires ; un mâle et une femelle, et elles tiennent un objet symbolique dans la gueule ou sous une patte avant comme une clef, une gerbe de riz ou un bijoux. Au sanctuaire de Fushimi, Inari est vénérée comme la divinité de la montagne. Divinité protectrice, Inari est également vénérée pour sa fertilité, pour la naissance et pour la prévention de certains dangers. Néanmoins, Inari est aussi redouté car elle peut ensorceler en prenant l’apparence de moines bouddhiques ou de jeunes filles séduisantes. Ambiguë, bénéfique ou maléfique, mâle ou femelle, Inari est une divinité très complexe.

 

 

Nous passons du monde profane au monde sacré et suivons la voie, sando, menant au sanctuaire sous les yeux vigilants de la divinité Inari, symbolisé par des statues de kitsune souvent ornés de yodarekake, bavoirs votifs, rouges. Aux abords d’un deuxième torii monumental nous sommes abordés par un groupe d’étudiantes en uniforme. Elles souhaitent faire des photographies en notre compagnie. Nous voilà entouré de jeunes Japonaises arborant le signe V de victoire.

 

 

Au temizuya, pavillon d’ablution, constitué de chozubashi, bassins destinés au rite de purification, les Japonais se bousculent. Le rituel est strict et consiste en étapes bien précises. On commence par prendre le hishaku, sorte de louche, dans la main droite. On le remplit d’eau et on arrose la main gauche avant de passer le hishaku dans la main gauche et arroser la main droite. Ensuite on reprend le hishaku dans la main droite et on verse de l’eau dans la main gauche pour la porter à la bouche pour la rincer. À la fin on rince le hishaku et on le remet à sa place de telle manière que l’eau s’écoule le long du manche. Les mains et la bouche correspondent aux parties du corps utilisées lors de la prière au sanctuaire : on frappe dans les mains et on prie avec la bouche.

 

 

Nous parvenons à la porte Ramon, porte de la Tour, établie au pied de la colline. Les escaliers sont gardés par deux statues de kistune dont un tient la clef du grenier à riz en travers de la gueule. Le bâtiment rouge et blanc fut construit grâce aux donations du samouraï Toyotomi Hideyoshi (1537-1598). D’origines modestes, il atteignit le pourvoir absolu sur l’ensemble du Japon en unifiant le pays. Il mène une persécution contre les chrétiens et pour décourager les conversions Hideyoshi fait crucifier vingt-six chrétiens à Nagasaki, presque tous Japonais, sur une colline de la ville. Néanmoins, il œuvre pour la pacification du Japon.

 

 

Derrière la porte nous contournons le gai-haiden, salle d’oratoire extérieure. Le petit pavillon en bois est éblouissant dans la lumière vive du soleil. De magnifiques lanternes sont suspendues au plafond. Quelques marches et nous voilà face au nai-haiden, salle d’oratoire intérieure. Le bâtiment vermillon surmonté de deux phénix attire de nombreux adorateurs. Le rituel oblige à jeter quelques pièces dans le saisen-bako, boite de donations, puis faire sonner la cloche, suzu, en tirant la corde vers soi. Le son doit chasser les mauvais esprits et purifier les lieux. Ensuite il faut s’incliner et frapper deux fois dans les mains afin de signaler sa présence à la divinité. Après le moment de prière et de recueillement, l’adorateur s’incline légèrement une dernière fois.

 

Nous traversons la place entourée de plusieurs petits sanctuaires, boutiques et pavillons. Une longue volée de marches mène au départ du senbon torii ; littéralement « milliers de torii » : l’image iconique de Fushimi Inari Taisha. Nous gravissons les escaliers en compagnie de quelques femmes vêtues de kimonos colorés ; silhouettes élégantes.

 

 

Un grand torii en pierre grise devance un chemin de portiques. Ici aussi beaucoup de monde. Un groupe de garçons a investi les lieux pour s’immortaliser devant les allées rouges. Ils portent l’uniforme scolaire, le gakuran, de gaku, « école », et ran, « la Hollande ». La Hollande représentait l’Occident en général à l’époque Meiji et ce vêtement désignait un vêtement occidental. Il est composé d’un veston à col droit et d’un pantalon, noir ou bleu foncé. À l’origine c’était l’uniforme imposé à l’Université impériale devenu l’Université de Tokyo.

 

 

La foule est dérangeante, perturbante. Hommes, femmes, enfants, familles entières, groupe de touristes, les gens se bousculent, se gênent, chacun veut faire des photos. Je me sens un peu perdue au milieu de cette masse humaine à laquelle je ne m’attendais pas. Philippe résume : « Le tourisme… ». Nous passons sous l’alignement serré de torii, un véritable tunnel diffusant une lueur rouge. Le passage vers un autre monde…

 

 

Le quartier Ôkunoin, aussi appelé Myôbu-dani, la vallée des renards. Une boutique propose des torii miniatures qui sont entassés par centaines. À la lisière de la forêt, marquée par un mur de pierre, les humains et les esprits, dont le renard est considéré comme le messager, se rencontrent. Les fidèles qui ne parcourent pas l’ensemble du chemin dans la montagne peuvent se recueillir dans le sanctuaire de prière intérieur, le Okusha Hohaisho, face au sommet.

 

 

Le shinto, « voie des dieux », ou shintoïsme, est un ensemble de croyances très anciennes mélangeant des éléments polythéistes et animistes fondé sur le culte des kami. Les kami sont des esprits, incarnant la nature comme le vent, les montagnes, les rivières, ou habitant un lieu particulier. Chaque village possède un sanctuaire consacré aux kami pour les honorer et demander leur protection. Le shintoïsme est une croyance propre au Japon contrairement au bouddhisme importé de Chine au VIe siècle.

 

À partir d’ici le chemin s’enfonce dans la forêt ; un dense rassemblement de hauts conifères vert foncé parmi quelques érables japonais avec leurs délicates feuilles cramoisies ou jaunes ajoutent une tache de couleurs. Une nouvelle rangée de torii se profile. Les portiques sont plus grands, plus hauts, plus massifs. Un petit carrefour et nous commençons notre ascension, les torii couvrant un passage d’escaliers. Il y a déjà beaucoup moins de monde. Le soleil ne parvient pas à percer le dense feuillage des arbres et l’air est humide. Les sanctuaires sur la partie basse du domaine ont leur intérêt mais c’est surtout le chemin de pèlerinage qui nous fascine.

 

 

Après une dizaine de minutes de montée nous bifurquons à droite vers un premier site de o-tsuka. Composé du préfix de respect o- et de tsuka, « tertre funéraire », ici à Fushimi Inari Taisha, il ne s’agit pas de tombes. La population, dès 1868, s’est appropriée le site pour y édifier des stèles, temples et autels privés, tolérés par la direction du sanctuaire. Sur les stèles sont gravés les noms de kamis, divinités ou esprits vénérés.

 

 

Il fait très sombre, l’humidité est pénétrante. C’est un peu sinistre. Il y a des stèles gravées, des torii de petite taille, en bois rouge ou en pierre grise. Les flammes des bougies vacillent sur des autels ou dans des lanternes de pierre. Des cloches attendent le fidèle. Certains autels sont bien entretenus, d’autres se sont affaissés. La mousse verte a envahi les monuments et nos pas sont étouffés par un épais tapis de feuilles d’érable jaunes et rouges qui recouvre le chemin. Et partout, à l’ombre des arbres, d’innombrables kitsune arborant fièrement leur petit bavoir rouge nous observent, muets, de leurs yeux de pierre.

 

 

Nous traversons le quartier en remontant une étroite volée de marches. Seuls, ici où règne une certaine nostalgie, nous nous sentons un peu comme des intrus. Un dragon veillant sur le bassin de purification nous guette. Au dessus de nos têtes résonnent des chants d’oiseaux. Une petite bise soulève les feuilles provoquant un bruissement délicat. Les arbres s’agitent, les branches frémissent. Est-ce notre présence qui dérange ?

 

 

Soudain se matérialise un petit étang, le Shik Ike. Les rives se perdent entièrement sous la végétation. L’eau est verte, les arbres sont verts, la trouée de la canopée laisse passer la lumière d’un soleil éblouissant. Deux temples, Nankiri Fudô et Kumataka Sha, sont posés sur ses rives. Les bâtiments et une rambarde orange se reflètent dans les eaux immobiles. Image figée.

 

 

Le chemin continue de monter. Parfois les torii sont si proches les uns des autres que la lumière ne parvient pas à filtrer, parfois ils sont très espacés. Certains sont très anciens, en piteux état, d’autres sont flamboyants neufs. Nous aboutissons au carrefour de Yotsutsuji. Il y a plusieurs maisons de thé, une boutique. La vue est dégagée et offre un aperçu des quartiers sud de Kyoto. À partir d’ici commence la boucle de la partie haute. Traditionnellement on prend le chemin dans le sens des aiguilles d’une montre. Beaucoup de visiteurs, Japonais ou étrangers, font ici demi-tour. L’aubaine ! Reste le calme.

 

 

Deux bornes devant chaque nouvelle galerie portent le nom d’un restaurant, d’une entreprise ou d’un particulier ayant jadis contribué aux travaux de marches ou de pavement. Nous entamons la montée évoluant dans un univers étrange. Les galeries interminables de torii rouges qui serpentent à travers la forêt sombre et silencieuse embrassant les courbes du relief altèrent notre perspective. Notre monde se résume au rouge et au vert. Pas une âme autour de nous. Seuls sur les chemins d’Inari, seuls parmi les esprits de la forêt. Nous avançons dans la quiétude.

 

 

Parfois l’allée de torii s’interrompt. Certains portiques sont effondrés ou négligés. Le sanctuaire de Fushima Inari possède environ dix mille torii. Financés par des particuliers, des familles ou des entreprises, le nom des donateurs et la date de la pose figure sur ses montants . Pour nous qui ne lisons pas le japonais, c’est un ensemble de caractères très esthétique mais il s’agit souvent d’une forme de publicité. Le coût d’un torii varie entre 175.000 et 1302.000 yens : entre 1400 et 10.400 euros pour les torii les plus importants. Faire don d’un torii est une coutume qui n’a cessé de se développer depuis l’ère Edo (1600-1868).

 

 

Dans le quartier Ganriki Sha, une sculpture de renard crache l’eau dans le bassin de purification. Ganriki signifie « pouvoir des yeux » et le dieu est censé accorder aux dévots tous les bénéfices concernant les yeux.  Quelques passages de torii plus loin se dévoile Gozendani et son site des o-tsuka. Entourant le sanctuaire principal s’entassent petits temples, stèles, autels, torii et renards, tous sculptés dans la pierre grise et recouverts de mousse. Des fougères poussent entre les passages, l’humidité est pénétrante. L’ensemble s’accroche sur le versant de la colline à l’ombre d’immenses cèdres du Japon. À Fushima-Inari ces conifères étaient considérés comme sacré et jusqu’au Moyen Âge les feuilles servaient d’amulettes.

 

 

La montée continue et nous avons l’impression d’être coupés du monde. N’ayant pas de plan nous n’avons aucune idée de la distance qui nous sépare du sommet. Parfois, un panneau nous indique où nous nous trouvons mais les distances ne sont pas très fiables et nous n’y prêtons pas attention. C’est ainsi que nous voulons faire cette randonnée. Se laisser surprendre sans compter le temps. Nous sommes divisés entre nous attarder et explorer chaque recoin, ou d’avancer sans dévier du chemin principal pour atteindre le sommet au plus vite. Chaque virage dévoile une surprise, chaque nouvelle galerie de torii est un enchantement, chaque sanctuaire une découverte. L’atmosphère est secrète, un peu oppressante. Dès que nous nous éloignons un peu nous avons l’impression d’être avalés par la forêt. Le sol est recouvert de feuilles qui crispent sous nos pas. Nous ressentons une bienfaitrice solitude.

 

 

Un petit café près du sanctuaire Yakuiki Sha, bénéfique pour tout traitement médical, nous invite à faire une pause. Coupé en deux par le chemin l’établissement propose des bancs près du bassin. On y vend des œufs cuits à la vapeur dans une bassine protégée par une couverture en plastique posée sur un poêle. Nous commandons deux cafés qui nous sont servis sur un joli plateau, avec un verre d’eau, du lait et du sucre.

 

 

Une jeune Japonaise et sa mère installées à nos côtés entament la conversation. Entre les sept phrases en japonais que nous maîtrisons et leurs trois mots en anglais, en y ajoutant gestes et sourires, nous avons un échange passionnant et chaleureux ! Soudain, la mère se lève, se dirige vers le cafetier, pour revenir avec quatre tamago, œufs durs, et une assiette de sel qu’elle veut partager avec nous. Nous acceptons avec plaisir. Après ce petit en-cas nous nous quittons. Nous voilà partis à l’assaut du sommet et ses cinq sanctuaires principaux.

 

 

Mitsurugi Sha, sanctuaire de l’espadon sacré, fut probablement le sanctuaire propre au clan Hata, à l’origine du culte au mont Inari. Les o-tsuka sont nombreux. La colline, assez raide en cet endroit, en est densément couverte. Tout se résume au vert, au gris, au rouge. Beaucoup de lanternes en pierre longent le chemin. Un bassin de purification en pierre attend le passant. Le lieu est associé à l’assistance miraculeuse d’Inari pour forger le sabre de l’empereur. Des effluves d’encens s’élèvent, flottent dans l’air et s’évaporent entre les arbres. Quelques torii semblent se perdre dans la forêt, menant nul part. Les kitsune surveillent…

 

 

Nous nous engageons dans une partie plus raide. Le but de notre périple se rapproche. La forêt est moins dense, il fait moins sombre. Quelques rayons de soleil parviennent à percer à travers le feuillage des arbres. Nous accélérons.

 

 

Quelques minutes plus tard nous arrivons enfin à Ichinomine, premier pic. Le Sancuaire du haut, Kami no Yashiro, trône sur un podium précédé par une volée de marches.

 

 

Il n’y a pas d’arbres et le soleil baigne le site dans une lumière crue. Ici pas de mousse ni des fougères. La pierre grise est claire et propre, le sol tapissé des petites feuilles d’érable. L’espace est entièrement couvert d’o-tsuka, enchevêtrement de stèles, autels, lanternes, torii, statues de kitsune. Nous voilà au sommet du mont Inari.

 

 

L’origine des torii a ses sources en Inde et au Népal, à l’image du torana, portail à l’entrée des sites sacrés. Au Japon, pendant la période Heian (784-1192), ils étaient déjà présents aux entrées des temples bouddhistes et des sanctuaires shintoïstes. Au début, il s’agissait de deux colonnes de bois renforcées par un linteau et une corde sur la partie supérieure. Cette corde fût ensuite remplacée par un second linteau. Aujourd’hui, en règle générale, le torii est composé de deux colonnes, hashira, et de deux linteaux, l’un aux extrémités supérieures des piliers, kasagi, et le second, nuki, juste en dessus du kasagi. Les piliers reposent sur une base, kamebara, parfois rehaussée d’un nemaki ; un manchon décoratif. Il existent deux types de torii : ceux recourbés, myôjin, et ceux droits, shinmey. On trouve aussi des torii en pierre en même en porcelaine. Torii signifie « perchoir à oiseaux ».

 

Symboliquement, le torii est un portail permettant le passage du monde physique au monde spirituel. L’univers sacré étant protégé par une force divine, le torii permet la traversée de ce champ, kekkai, défini comme un passage intemporel. Le torii est souvent installé à l’entrée des sanctuaires mais peut également se trouver au milieu de « nulle part ». Le vermillon des torii est la couleur qui s’oppose aux pouvoirs magiques néfastes. Dès les temps anciens c’est une couleur que l’on retrouve souvent dans les temples et les palais.

 

 

Nous avons du mal à nous arracher de ce lieu. Cependant un alignement de portiques rouges nous attend. Nous continuons le chemin qui descend. À partir d’ici nous sommes face aux inscriptions sur les montants et le noir s’ajoute au vert, gris et vermillon, palette de couleurs restreinte. La beauté des caractères japonais est incontestable. La langue écrite se sert de kanji, caractères importés de Chine. Chaque caractère possède plusieurs prononciations possibles. Au Japon, l’apparence d’un caractère sur une page est aussi importante que la signification de la phrase. Le mot kanji vient de l’ethnie chinoise han ; kan et ji, « caractère », littéralement « caractères chinois » ou « sinogrammes ».

 

 

Bientôt nous arrivons au second pic ; Ninomine et le sanctuaire Naka no Yashiro. Le rassemblement d’innombrables o-tsuka reste une vision toujours aussi étonnante. L’espace en est entièrement rempli. Les torii de pierre sont très nombreux, ils sont disposés le long des escaliers, entre les stèles, dans tous les sens. Le gris domine et les petits bavoirs rouges des kitsune se démarquent dans cette mare sombre. Dans un semblant de chaos règne un ordre bien précis et l’ensemble dégage une grande beauté et un brin de tristesse.

 

 

Les sanctuaires disséminés dans la montagne, le long du chemin de pèlerinage, ne sont pas spectaculaires ni magnifiquement beau mais leur simplicité les rendent touchants et accessibles. Ce fut probablement la raison pour laquelle ils furent choisis pour y édifier des o-tsuka donnant naissance à des lieux singuliers, véritables quartiers de croyance populaire. Le grand nombre d’ex-voto, stèles, lanternes, autels, torii et kitsune reflète une intense dévotion. Ici, à Fushimi Inari Taisha on ne commémore pas les morts mais on y célèbre les divinités de la montagne.

 

 

Le Ainomine, pic intermédiaire, possède le temple Kada Sha, sanctuaire de la famille Kada, premiers prêtres de haute dignité de Fushimi Inari. Un peu plus loin nous arrivons au dernier sanctuaire du mont Inari, Sannomine, troisième pic. Son sanctuaire Shimi no Yashro est précédé par un torii en pierre flanqué d’une décoration appelée sasutsuka, rappelant le style gassho, en pointe, comme deux mains rassemblées en prière.  Quelques passages de torii et nous voilà de retour au carrefour de Yotsutsuji pour rejoindre les édifices principaux à l’entrée du site.

 

De nouveau plongée dans la foule de visiteurs j’ai l’impression de me réveiller d’un songe. Sans compter le temps qui nous a semblé à la fois un instant et une éternité, nous avons déambulé dans la forêt, cheminant sous d’interminables galeries de torii sous les regards bienveillants des kitsune qui ont ponctué notre promenade. Nous avons franchi torii après torii, hésitant devant des chemins qui se séparaient, dans un jeu d’ombres et lumière. Nous avons erré dans le domaine d’Inari, lieu d’une grande spiritualité. La beauté du site se traduit incontestablement dans les allées de torii vermillon qui s’étirent à travers la forêt à l’infini mais les o-tsuka, ferveur populaire traduit ici dans un art unique, y ajoutent une touche émouvante. Après l’univers étrange et mystique d’Inari, je retrouve le monde réel. Avec regret…

 

© Texte & photos : Annette Rossi.

 Image d’en tête : Senbon Torii.

 

Publicité

Une réflexion sur “Au-delà de l’horizon… La forêt enchantée d’Inari.”

Laisser un commentaire(votre e-mail n'est pas obligatoire)

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s