Une immersion en Arménie et en Haut-Karabagh. Juin 2009.
« La joie d’Artaches. »
Sur les hauts plateaux règne le mont Ararat, immuable. Il veille sur les plaines. Les miradors et les grillages surmontés de barbelés nous rappellent que nous sommes à moins de cent mètres de la frontière turque. De l’autre côté, en Turquie, des paysans kurdes labourent la terre. Côté arménien, les champs sont couverts de vignes.
C’est ici que commence l’histoire glorieuse de la Grande Arménie lorsque, en 188 avant Jésus-Christ, Artaches, en grec Artaxias, fonde le royaume d’Arménie ou la Grande Arménie, gouverné par la dynastie des Artaxiades dont Tigrane le Grand, roi des rois, un siècle plus tard, sera le plus illustre souverain.
Artaches construit une nouvelle capitale, Artashat, « la joie d’Artaches ». À l’ombre de l’Ararat, la ville est bâtie sur une presqu’île formée par le coude du fleuve Araxe qui baigne ainsi ses murs de trois côtés, tandis que le quatrième, constituant l’isthme de la presqu’île, est fermé par un fossé et un rempart. La cité fortifiée s’étale sur sept collines. Hannibal, le général carthaginois qui, en fuyant Rome, s’était rendu à la cour d’Artaches pour y proposer ses services, a fortement influencé l’architecture de la nouvelle capitale dont le roi lui attribue la planification et la supervision de la construction. L’enceinte de la citadelle s’appuie sur l’exemple de l’architecture défensive hellénistique avec des tours carrées. Le premier théâtre d’Arménie y sera construit. Cependant, la cité demeure profondément orientale. Il n’y a point de plan systématique ou d’édifices prestigieux. Les nombreux temples et autels dressés en l’honneur de la déesse Anahita-Artémis sont de conception simple.
Artashat atteint son apogée sous le brillant règne de Tigrane le Grand.
Aujourd’hui errent sur la plaine les fantômes des temps révolus. De la cité au passé illustre ne restent que quelques vestiges abandonnés ; bains, tracés des rues, fondations d’un temple. Ils agonisent au cœur de la vallée arrosée par les eaux impétueuses de la rivière Araxe et fertilisée par les laves du volcan. La proximité de la frontière en interdit l’accès.
Difficile d’imaginer que la ville à son apogée occupait environ quatre cent hectares, que les murailles de fortifications s’étendaient sur dix kilomètres, et qu’elle était peuplée de cent cinquante mille habitants ! Au Ier siècle de notre ère, le géographe grec Strabon et le philosophe Plutarque décrivent la cité comme une grande et belle ville et la proclament « La Carthage arménienne ».


