Le Haut-Karabagh, une terre en souffrance

Avec une altitude moyenne de 1100 mètres, le Haut-Karabagh se situe sur la frange nord-est du haut-plateau arménien et dans le sud-est du Petit Caucase. Karabagh signifie littéralement « jardin noir », du turc kara, « noir », et du persan bagh, « jardin », en référence à son sol volcanique, très fertile. Le Haut-Karabagh est souvent appelé Artsakh en référence à la dixième province du royaume d’Arménie. Cette appellation dérive du nom du roi d’Arménie Artaxias Ier, fondateur de la dynastie artaxiade au IIe siècle avant Jésus-Christ. 

C’est une contrée méconnue, cernée de montagnes, hantée par des nuages de plomb et des voiles de brouillard gris perle ou baignée du soleil éblouissant des hautes altitudes. 

Pendant la période soviétique, cette terre, historiquement arménienne et majoritairement peuplée d’Arméniens, fut intégrée à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan et les tensions entre les populations azéries et arméniennes apparurent. Les pourparlers concernant le rattachement à l’Arménie débutèrent pacifiquement vers le milieu des années 1980, mais le mouvement se transforma en conflit armé. 

La déclaration d’indépendance du Haut-Karabagh le 2 septembre 1991 déclencha la guerre aboutissant à des allégations de nettoyage ethnique par les deux camps. Suite aux combats de l’hiver 1992 et face à la catastrophe humanitaire résultant du blocus imposé par l’Azerbaïdjan, une médiation internationale tenta de trouver une résolution qui satisfasse les intérêts des deux côtés. En vain. 
Le 18 mai 1992, les troupes arméniennes prirent le contrôle de la ville de Berdzor-Latchin, dans l’étroit corridor reliant l’Arménie au Karabagh. Une voie d’accès terrestre fut ainsi ouverte vers l’Arménie et l’aide humanitaire put enfin être acheminée. 
Mais le conflit s’intensifia. Au printemps 1993, les forces arméniennes s’approprièrent d’autres régions à l’extérieur de l’enclave, provoquant des protestations internationales contre les Arméniens et soulevant des menaces d’intervention d’autres pays de la région. Début 1994, les Arméniens contrôlaient la totalité du territoire. Enfin, en mai, grâce à la médiation russe, un cessez-le-feu fut signé. 
Cependant, l’enclave séparatiste en territoire azéri ne fut pas reconnue par la communauté internationale.

Juin 2009. Nous passons quatre jours en Haut Karabagh. Nous découvrons un pays magnifique, des monastères sublimes et une population attachante.

Nous nous présentons au Ministère des Affaires Étrangères, situé au 28, rue Azetamardikneri, où on nous délivre un visa qui nous permettra, sous la protection précaire d’un simple cessez-le-feu, de circuler librement dans l’enclave, à l’exception de la ligne de front. Nous sommes en règle : en possession d’un visa pour un pays qui n’existe pas. Ce visa collé dans nos passeports nous interdit l’entrée en Azerbaïdjan. Pourtant, nous sommes au beau milieu de l’Azerbaïdjan ! Ayant fait le choix de visiter ce pays obscur, nous en acceptons les lois. Les lois d’un État dont le statut international reste indéterminé et qui est considéré comme « objet étatique mal identifié ». Avons-nous, par le seul fait de notre venue, reconnu la République du Haut-Karabagh ? En achetant ce visa, avons-nous accepté l’existence de ce pays virtuel ? Une république avec un président, un palais présidentiel, un hymne national, un drapeau, une constitution, une assemblée nationale, des ministères, une armée, un corps de police et des tribunaux… bien réels… 

Aussi réels que ses paysages, vallonnés, boisés et verdoyants, et ses champs de coquelicots à l’infini. Aussi réels que ses églises et ses monastères empreints d’histoire…

La souveraineté sur le Haut-Karabagh est disputée par l’Arménie, qui soutient sa politique d’indépendance, et l’Azerbaïdjan, qui considère la région comme la sienne. Et bien qu’un cessez-le-feu soit en vigueur, des accrochages meurtriers éclatent régulièrement le long de la frontière où sont installées les forces arméniennes. La situation reste complexe car nous sommes dans un pays qui n’existe pas… 

Juin 2009. Le corridor de Lachine.

Le drapeau du Haut-Karabagh flotte fièrement dans le ciel au-dessus du Parlement de Stepanakert. Il a repris les couleurs de celui de l’Arménie, avec les mêmes bandes horizontales rouge, bleue et orange, mais se différencie par un chevron en zigzag qui symbolise la séparation de ses terres et de l’Arménie. 

Juin 2009. Stepanakert, le Parlement.

Nous flânons, nous échangeons avec les gens, d’une gentillesse désarmante. La communication est difficile. Nous ne parlons ni l’arménien, ni le russe, eux ni l’anglais ni le français. Les échanges passent par quelques phrases, quelques mots, des gestes, des sourires. Un peuple charmant, prêt à se lancer dans un futur meilleur. Leurs sacrifices n’ont pas été vains, mais le prix à payer a été lourd. Chaque famille porte le deuil, chaque personne a un parent, un frère, un oncle, un cousin, un ami qui s’est battu pendant le conflit. Nombreux sont les vétérans handicapés. Le souvenir de la guerre, qui aurait fait entre vingt et trente mille morts et plus d’un million de réfugiés, Arméniens et Azéris, entre 1988 et 1994, est loin d’être effacé. 

Le Haut-Karabagh reste un témoignage poignant de l’histoire tourmentée des peuples de la région, stigmates des conflits ethniques les plus destructeurs nés après la chute et la décomposition de l’Union soviétique. 

Pourtant l’histoire du petit territoire montagneux reste méconnue. Ignoré, oublié, son isolement aux confins du Caucase, à l’intérieur de l’Azerbaïdjan, n’arrange rien. Sa seule porte d’entrée passe par l’Arménie, sa mère patrie. Or l’Arménie, elle aussi, est un pays isolé. Encerclée par la Turquie, avec laquelle les relations sont extrêmement tendues, l’Azerbaïdjan, sur le pied de guerre, la Géorgie, en conflit avec la Russie alliée de l’Arménie, et l’Iran, avec qui l’entente est bonne mais source de problèmes géopolitiques, elle est dans une impasse. 

Le héros national Monte Melkonian, tué en 1993, a dit : « Si nous perdons l’Artsakh, nous tournerons la dernière page de l’histoire de notre peuple ». 

Les Arméniens n’ont pas perdu l’Artsakh et la dernière page de leur histoire n’est pas tournée. Mais ont-ils réellement gagné cette guerre ? 

Juin 2009. Le monastère de Gandzasar.

Le Haut-Karabagh, véritable poudrière, oscille entre guerre et paix. Le « jardin noir » vit une indépendance de facto susceptible et fragile. La trêve n’est qu’une trêve. La guerre guette le long des frontières, ronge le moral de la population, menace l’avenir. La paix, comme le pays, n’est qu’une illusion.

Juin 2009. Forteresse d’Askeran.

Actualités…

Nuit gémissante, nuit de mort ; matin de deuil à deux tranchants ; soleil noir… soleil aveuglant. 

Grégoire de Narek, grand poète et mystique arménien. An mille. 

Ces paroles traduisent la détresse d’un peuple. Car, la seconde guerre du Haut-Karabagh qui opposa le territoire à l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, s’est soldée par la défaite des Arméniens. Le 9 novembre 2020 fut signé un accord de fin des hostilités. 

Reste un pays désemparé. La cathédrale de Chouchi est une nouvelle fois ravagée. Des tombes sont profanées. Plusieurs centaines de soldats sont toujours portés disparus. Stepanakert est dévastée par les bombes, vidée de sa population. Pourtant, la ville ne sera pas donnée à l’Azerbaïdjan mais restera sous contrôle russe. Encerclée de territoires ennemis que va-t-elle devenir ? Les autorités appellent les habitants à revenir mais quel avenir auront-ils ?

Dans le reste du Haut-Karabagh, des milliers d’Arméniens ont dû quitter leur foyer en prévision de l’application de l’accord de fin de conflit. Certains d’entre eux ont incendié leur maison pour ne pas qu’elles soient occupées par les Turcs azéris. Ils ont pris ce qu’ils pouvaient emporter, laissant leur bétail, leurs souvenirs et leur cœur. Laissant aussi leurs ancêtres enterrés ici, dans le « jardin noir ». 

Les images sont terrifiantes, d’une immense et profonde tristesse. Je pense aux personnes que nous avions rencontrées là-bas. Au gardien d’Amaras et à son fils, aujourd’hui devenu un jeune adulte. A-t-il combattu ? Est-il toujours en vie ? Les prêtres, quelle peine doivent-ils ressentir en abandonnant leurs églises ? Que vont devenir ces sanctuaires parfois vieux de plus de mille ans ?

Ces lieux saints empreints de l’âme arménienne, vont-ils être détruits ou transformés en mosquées ? La crypte à Amaras, va-t-elle être préservée ? Tant de questions que nous n’aimerions pas nous poser. 

Juin 2009. Amaras, crypte.

Le 14 septembre 2022, l’Arménie et l’Azerbaïdjan se sont accusées mutuellement d’avoir mené de nouvelles attaques. Cent cinq militaires arméniens et cinquante soldats azerbaïdjanais seraient morts. La Russie a aussitôt annoncé un cessez-le-feu, violé par les deux camps. 

Depuis le 12 décembre 2022, des militants azerbaïdjanais envoyés par Bakou empêchent la circulation sur l’unique route qui relie la province à l’Arménie. Ce blocus a suscité de nombreuses protestations car, selon la déclaration trilatérale de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie et de la Russie de novembre 2020, mettant fin à la guerre qui s’était déroulée durant l’automne, le corridor est « sous le contrôle du contingent russe de maintien de la paix » et l’Azerbaïdjan doit y garantir la libre circulation. La fermeture du couloir a entraîné des pénuries alimentaires, le rationnement de l’électricité et du gaz naturel et l’interruption des communications avec le monde extérieur infligeant ainsi des dommages collectifs à plus de cent vingt mille civils. Amnesty International a averti que « des milliers de vies seraient en péril ».

Encouragé par son succès militaire lors de la guerre de l’automne 2020, l’Azerbaïdjan entend exercer son contrôle sur toute la région. En janvier 2023, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a déclaré que les habitants qui ne voudraient pas prendre la citoyenneté azerbaïdjanaise, « peuvent partir, la voie est ouverte, personne ne s’y opposera ». 

Le mercredi 22 février 2023, la Cour internationale de justice a ordonné à l’Azerbaïdjan d’« assurer la circulation sans entraves des personnes, des véhicules et des marchandises le long du corridor de Latchine ». En avril 2023, des soldats azerbaïdjanais ferment définitivement le corridor, privant de nourriture, de médicaments, de pétrole et d’électricité les habitants de l’enclave, provoquant une crise humanitaire catastrophique. 

En avril 2023, des soldats azerbaïdjanais ferment définitivement le corridor, privant de nourriture, de médicaments, de pétrole et d’électricité les habitants de l’enclave, provoquant une crise humanitaire catastrophique. Le Haut-Karabagh est isolé, coupé du reste du monde.

Le 20 septembre 2023, en violation totale du cessez-le-feu signé en 2020, l’Azerbaïdjan lance une offensive éclair de vingt-quatre heures sur l’ensemble de la ligne de front contraignant les forces séparatistes de capituler. Un nouveau cessez-le-feu est conclu. Elle signifie la victoire de Bakou sur les forces arméniennes. 

Le jeudi 28 septembre, le président du Haut-Karabagh Samvel Chahramanian, signe un décret annonçant sa dissolution au 1er janvier 2024. Ce sera la fin définitive pour l’enclave séparatiste. 

C’est l’exode ! Redoutant un nettoyage ethnique, les Arméniens du Haut-Karabagh fuient en masse vers l’Arménie. 

Les images sont terrifiantes, d’une immense et profonde tristesse. Le corridor de Latchine est encombré de véhicules dans lesquels s’entassent des familles épuisées, affamées, fuyant leur pays sous la surveillance des vainqueurs azerbaïdjanais. Ils ont pris ce qu’ils pouvaient emporter, laissant leur bétail, leurs souvenirs et leur cœur. 

Laissant aussi leurs proches enterrés dans le « jardin noir ».

Le 1er octobre 2023, plus de cent mille personnes, la quasi-totalité du petit morceau de terre profondément arménienne, ont fui. L’enclave reste hermétiquement fermée à la presse et aux observateurs internationaux, tandis que les réfugiés témoignent de violences et de haine. Une nouvelle fois, des Arméniens ont tout perdu. 

Échoué à l’Azerbaïdjan, le Haut-Karabagh semble avoir « tourné la dernière page de son histoire »… 

Pour résumer… 

Le Haut-Karabagh ou Artsakh est une terre historiquement arménienne et majoritairement peuplée d’Arméniens depuis plus de deux millénaires. 

En 1920 fut créée la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie qui regroupait la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Le Haut-Karabagh intégra officiellement la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. En 1936, Staline a dissous la république transcaucasienne, ce qui entraîna l’émergence des Républiques socialistes soviétiques d’Arménie,
de la Géorgie et d’Azerbaïdjan. Le dictateur décida de donner le Haut-Karabakh, composé à plus de quatre-vingt-dix pour cent d’Arméniens, à l’Azerbaïdjan, une décision vouée à être contestée. 

En 1989, tout au début du conflit, le dissident soviétique et prix Nobel de
la paix, Andreï Sakharov résuma : « Le Karabakh est une question de survie pour les Arméniens et d’orgueil national pour l’Azerbaïdjan ». 

Entre 1988 et 1994, les Arméniens de l’enclave combattirent pour la récupérer et déclarèrent son indépendance. Indépendance qui ne fut jamais reconnue par la communauté internationale. Le Haut-Karabagh était au cœur d’un jeu pervers des puissances régionales, tandis que les pays occidentaux se faisaient discrets. 

Je m’interroge. Aujourd’hui, devons-nous en vouloir à l’Azerbaïdjan de reconquérir le Haut-Karabagh ? Pouvons-nous reprocher aux Arméniens de le convoiter ? Devons-nous accuser la communauté internationale de son silence ? Sous le prétexte qu’il est difficile d’être résolument objectif ? 

Le Haut-Karabagh est, et restera, une terre en souffrance…

Tapis magique… Terre des dieux. « Celui d’en bas et celui de l’arrière. » 

Un périple sur l’île de Crète à la découverte de la civilisation minoenne mais pas que… Juin 2011.

« Celui d’en bas et celui de l’arrière. » 

La route est magnifique. Toujours la montagne, toujours la mer. Toujours les lauriers-roses blancs et roses, toujours les genêts jaunes. Chaque virage nous réserve une surprise, chaque bifurcation un panorama différent. D’époustouflantes perspectives s’ouvrent sur la mer. Des baies aux eaux turquoise, des presque-îles, des rochers surgissant de l’eau.

Nous nous éloignons de la côte, puis bifurquons de nouveau en direction de la mer de Libye. Un vieux pont enjambe le Mega Potamos, la « grande rivière ». Construit vers 1850, l’édifice a la forme semblable à celle d’un crochet s’ouvrant vers l’aval lui permettant de mieux résister aux crues.

Peu après, non loin de l’embouchure de la rivière, apparaissent les vestiges du monastère Kato Moni Preveli, « le monastère d’en bas », dédié à saint Jean-le-Baptiste. Sa fondation remonte au Xe siècle. Interdit d’accès, nous contemplons les bâtiments depuis le bord de la route. Le paysage est très sauvage dominé par des montagnes arides. Parmi les bâtiments en ruine subsiste une petite église.

Quelques kilomètres plus loin, dominant la mer, se dresse le Pisa Moni Prveli, « le monastère de l’arrière ».  Au cœur des luttes de libération lors de l’occupation ottomane, il fut détruit puis rebâti à plusieurs reprises. Il joua également un rôle important lors de l’évacuation d’une partie des troupes alliées après la bataille de Crète en 1941. Nous découvrons, au centre d’une cour, une église à deux nefs dédiée à saint Jean-le-Théologien et à l’Annonciation. Elle est décorée de superbes icônes.  Une fontaine offre de l’eau fraîche. L’atmosphère est paisible, pas âme qui vive et nous nous attardons.

Nous reprenons la route en direction du nord entourés de falaises rouges et déchiquetées. Soudain le relief se resserre et nous nous engouffrons dans les gorges de Kourtaliotiko dont les parois atteignent six cents mètres par endroit. 

Grèce, Crète. Juin 2011.
Grèce, Crète, vieux pont. Juin 2011.
Grèce, Crète, monastère Kato Moni Preveli. Juin 2011.
Grèce, Crète, monastère Kato Moni Preveli. Juin 2011.
Pisa Moni Preveli. Juin 2011.
Grèce, Crète, gorges de Kourtaliotiko. Juin 2011.

Tapis magique… Terre des dieux. « Un village, une église. »

Un périple sur l’île de Crète à la découverte de la civilisation minoenne mais pas que… Juin 2011.

« Un village, une église. »

Nous traversons l’île du nord au sud. Les paysages sont sublimes, sauvages. Une suite de virages en épingle à cheveux nous conduit à une plaine côtière. Nous bifurquons vers le petit port de Chora Skafion. De là, une rude montée mène sur un plateau. Nous laissons la voiture près du pont métallique de Vardinoyannis qui enjambe les vertigineuses gorges d’Aradéna. 

Le village du même nom fut très prospère durant la période vénitienne, puis ottomane. Les habitants étaient de grands constructeurs navals. Pendant les révolutions de 1770, puis de 1867, les Crétois affrontent héroïquement les Turcs. Après la défaite des révolutionnaires, les Turcs rasent le village. 

Nous nous baladons à travers les ruines des maisons envahies par la végétation vers une petite église byzantine dédiée à l’archange Michel. De plan en croix et surmontée d’un dôme écrasé, elle est blanchie à la chaux. Datant du XIVe siècle, elle fut construite sur les ruines d’une basilique antique. C’est dans cette église que les éleveurs venaient prêter serment pour mettre un terme aux différents suscités par des vols de bétail. 

Aujourd’hui, c’est l’unique témoin de l’ancienne vie d’Aradéna. La petite église s’élève de la terre rouge tel un vaisseau surplombant les gorges. Dominée par les « montagnes blanches » aux pentes arides où subsistent quelques coulées de neige et encadrée par un ciel bleu azur, c’est une image émouvante au cœur d’un puissant environnement minéral.

Grèce, Crète, Chora Skafion. Juin 2011.
Grèce, Crète, Chora Skafion. Juin 2011
Grèce, Crète, Aradéna. Juin 2011.
Grèce, Crète, Aradéna. juin 2011.
Grèce, Crète, Aradéna. Juin 2011.

Tapis magique… Terre des dieux. « Héritage vénitien, héritage ottoman ». 2/2.

Un périple sur l’île de Crète à la découverte de la civilisation minoenne mais pas que… Juin 2011.

« Héritage vénitien, héritage ottoman ». 2/2.

En 1573, suite à une attaque de pirates, les Vénitiens construisirent une forteresse sur l’emplacement de l’ancienne acropole pour surveiller l’entrée du port de Réthymnon. À peine un siècle plus tard, en 1645, les Ottomans, sous le commandement du sultan Ibrahim, se lancèrent à sa conquête. Attaquées par mer et par terre, les troupes vénitiennes cherchèrent refuge dans la forteresse. Mais à 8500 personnes dans un espace si réduit, le choléra apparut et après 23 jours de siège, la cité capitula fin novembre 1645. La garnison et 1500 habitants eurent la permission de quitter la cité par la mer, les autres finirons aux galères, les jeunes femmes et les enfants envoyés à Constantinople pour y être vendus comme esclaves.

La somptueuse cathédrale Sainte-Marie-des-Anges fut transformée en mosquée. Après une série de révoltes et l’intervention des grandes puissances, la Crète devint un état autonome, gouverné par le prince George de Grèce mais sous souveraineté ottomane. En 1908, l’île choisit d’être rattachée à la Grèce, ce qui fut accepté par l’Empire ottoman. Réthymnon comptait alors entre 5000 et 6000 habitants, moitié musulmans, moitié chrétiens. Les échanges de populations imposés par le traité de Lausanne en 1923 mirent définitivement fin à la présence musulmane en Crète. Ce fut seulement après la Seconde Guerre mondiale que tous ses habitants quittèrent les maisons à l’intérieur des fortifications pour aller s’installer dans la ville moderne au pied de la forteresse. 

Aujourd’hui, plus rien ne laisse imaginer une cité bouillonnante d’activité. Sur un plateau aride entouré de murailles renforcées de quatre bastions, se dessinent les silhouettes de quelques constructions ayant échappé au déclin, à la végétation qui reprend possession des lieux et aux destructions volontaires.L’impressionnant dôme de la mosquée du sultan Ibrahim, le délicat clocher de la chapelle Sainte-Catherine, la structure rectiligne d’une résidence de haut fonctionnaire, le toit pyramidal d’une poudrière. Plusieurs rangées d’arcades sont les restes d’un grand complexe d’entrepôts et citernes. Un lustre gît à terre. Nous parcourons le site qui domine la mer et la ville moderne. Il s’en dégage une certaine tristesse mais également une grande sérénité. En cette fin d’après-midi, les températures sont encore élevées et il n’y a pas âme qui vive. Nous nous attardons, étrangement attirés par ce qui n’est plus. 

Grèce, Crète, Réthymnon, vieille ville, remparts et bastion. Juin 2011.

Tapis magique… Terre des dieux. « Héritage vénitien, héritage ottoman ». 1/2.

Un périple sur l’île de Crète à la découverte de la civilisation minoenne mais pas que… Juin 2011.

« Héritage vénitien, héritage ottoman ». 1/2.

Sur la côte nord de la Crète, Réthymnon est bercée par les eaux bleues de la mer Méditerranée. L’antique Rithymna avait le privilège de frapper sa propre monnaie. Après un long déclin, elle se développa sous les Vénitiens à partir de XIIIe siècle. 

Depuis le vieux port dominé par son phare, nous nous immergeons dans la ville blottie contre l’acropole. Nous flânons dans les ruelles pavées où les influences vénitienne et turque restent bien présentes. De jolies demeures de l’ère vénitienne aux couleurs pastel possèdent des balcons en bois ajoutés par les Turcs. La place Rimondi date de 1629. Elle doit son nom au recteur de la ville de l’époque. Nous nous approchons de sa célèbre fontaine et buvons l’eau qui jaillit de la bouche de trois lions de pierre.

Dans la rue Palaiogolou, se dresse la loggia vénitienne. C’est ici que, jadis, les nobles se réunissaient pour discuter. Le bâtiment carré fut transformé en mosquée pendant l’occupation ottomane, tout comme plusieurs églises. Ainsi, l’église de la Renaissance est devenue la mosquée Kara Musa Pasha, à allure un peu délabrée. L’église de la Saint-Vierge abrite aujourd’hui la mosquée Nerazté. Le toit du sanctuaire chrétien fut remplacé par trois dômes mais l’entrée de style Renaissance, flanquée de colonnes, fut conservée.  Le grand minaret, doté de deux balcons, date de 1890. Il devait être selon les ordres donnés « le plus beau minaret d’Orient ». Recouvert d’échafaudages, nous n’en avons qu’un vague aperçu. 

Grèce, Crète, Réthymnon. Juin 2011.
Grèce, Crète, Réthymnon, vieux port. Juin 2011.
Grèce, Crète, Réthymnon, vieux port. Juin 2011.
Grèce, Crète, Réthymnon, fontaine Rimondi. Juin 2011.
Grèce, Crète, Réthymnon, mosquée Kara Musa Pasha. Juin 2011.
Grèce, Crète, Réthymnon, mosquée Nerazté. Juin 2011.
Grèce, Crète, Réthymnon, mosquée Nerazté. Juin 2011.

Tapis magique… La route de la soie. « Kashgar au seuil de deux mondes ». 5/5.

De Xi’an à Tabriz. Octobre/novembre/décembre 2002 – mai/juin 2005.

« Kashgar au seuil de deux mondes ». 5/5.

Le marché est une mare de tons neutres. Le pelage et la fourrure des animaux : noir, gris, beige, brun, chamois, roux, écru, acajou. Les chapans, « manteaux », et les vestes des hommes : noir, gris, ardoise, bleu marine, marron. Les chapeaux et les casquettes : anthracite, noir, gris, beige, blanc cassé. Harnais, selles et colliers, de cuir et de fer : gris, châtain, acier, brun tabac. Le sable : ocre. Les palissades en bois. Les cordes : beige, blanc cassé. Les feuilles argentées des peupliers. Des teintes d’un monde sans prétention. Une palette de couleurs harmonieuses qui se détache contre un ciel limpide, bleu intense.

Les mets sont préparés sur place. Les effluves provenant des échoppes, de thé, de viandes, de pâtes, se mélangent, se marient, se découvrent. La viande est hachée, mélangée aux oignons, poivrons et aulx avant d’être cuite. L’huile bouillonne dans d’énormes poêles noires. Des brochettes d’agneau crépitent sur les braises des feux ouverts dégageant des nuages de fumée et l’odeur de la viande grillée et du cumin. Des pâtes sortent des marmites fumantes, des boulettes de viande flottent dans des sauces pimentées. De la pâte est malaxée avec de grands gestes, les laghmans voltigent dans les airs. Des bols de soupe aux nouilles sont remplis. Les nans, petits pains ronds, s’empilent sur de minuscules tables, du raisin vert et du melon tranché sont étalés à même le sol. Des gobelets de lait caillé rafraîchi avec de la glace pilée et des petits bols de thé brûlant circulent.

Autour de longues tables, baguettes en main, se mélangent jeunes en costume et béret et vieux à l’allure patriarcale. Un festin !

Et puis, dès le crépuscule, le calme revient. Les marchands rangent leurs étals, les bruits s’estompent. Hommes, femmes et enfants plient bagage et prennent le chemin de la maison, lourdement chargés. Les camions quittent la ville en crachant des nuages de fumées noires. Du haut d’un camion, deux vaches observent le défilé avec dédain. Des carrioles tirées par des chevaux manœuvrent entre piétons et cyclistes et des caravanes de petits ânes gris lourdement bâtés trottinent stoïquement sur le bord des routes pour rentrer à la campagne.

Les innombrables peupliers dessinent des ombres allongées sur le désert. Le ciel est voilé de poussière de sable en suspens et une atmosphère mélancolique s’abat sur Kashgar.

Chine, Xinjiang, Kashgar, le marché du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, le marché du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, le marché du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, le marché du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, le marché du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, le marché du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, le marché du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, le marché du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, le marché du dimanche. Novembre 2002.

Tapis magique… La route de la soie. « Kashgar au seuil de deux mondes ». 4/5.

De Xi’an à Tabriz. Octobre/novembre/décembre 2002 – mai/juin 2005.

« Kashgar au seuil de deux mondes ». 4/5.

Dimanche. Jour de marché. Depuis deux millénaires la vocation principale des Ouïghours est le commerce et aujourd’hui la tradition se perpétue. Le marché de Kashgar est réputé pour être le plus gros marché d’Asie centrale et dès les premières lueurs du jour, camions, tracteurs, charrettes, éleveurs et paysans parfois à pied chargés de leurs marchandises ou accompagnés de leur troupeau convergent vers la ville. Les différentes ethnies venues des pays alentours s’y côtoient.

Un immense enclos enferme la foire aux bestiaux. C’est un monde d’hommes. Les anciens, aux barbes blanches, portent le toppa, haut chapeau noir bordé de fourrure. Les plus jeunes sont vêtus de vestes de costume et coiffés de casquettes. Marchands et clients discutent avec entrain. On tâte les bêtes, vérifie le lainage, ausculte la dentition, examine les sabots. On évalue la couche de graisse, jauge la fourrure. On se renseigne sur l’âge, les capacités, la robustesse de l’animal. Ensuite, le cheval ou le poney est monté, le plus souvent à cru, par des gamins, exercice indispensable.

Suivent les interminables négociations. Une foule se rassemble autour des deux protagonistes. Calmement mais âprement les montants sont proposés, rejetés, renégociés. Des avis sont donnés, des positions prises. L’accord trouvé, les liasses de billets sortent des vestons et changent de main. L’argent est compté sous les yeux de tous. Une ferme poignée de main conclut l’affaire.

Nous errons dans la boue, le fumier et le gravier, observés par des yeux pétillants sur des visages burinés plantés de boucs impériaux. Nous esquivons le coup de sabot d’un cheval agité, baissons les yeux face au regard d’un yak vigoureux ou celui, mauvais, d’un taureau et contournons avec prudence les chameaux de Bactriane. À deux bosses et aux poils longs, capables de supporter les plus grands froids, on ne les trouve sur le marché qu’en hiver. La poussière et les flocons de paille volent dans l’air, scintillants comme des paillettes dans la lumière aveuglante.

La scène est d’une autre ère, rien ne semble avoir changé ici depuis la grande époque de la route de la soie. Au milieu de ce brasage de peuples et de cultures, nous remontons le temps.

Ce qui me frappe est la grande gentillesse des gens. Jeunes ou vieux, les hommes se côtoient avec sollicitude. Les relations sont amicales. Chaque geste est accompli avec respect et attention. Au milieu de cet univers masculin, je me sens vraiment l’étrangère que je suis. Pourtant, à aucun moment j’ai l’impression d’être une intruse. Au contraire, on m’observe avec une curiosité bienveillante. Et dès que je croise une paire d’yeux, un hochement de tête m’est adressé. Ce sont ces regards de bonté, ces visages hors de temps, qui resteront gravés dans ma mémoire.

Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, la foire aux bestiaux du dimanche. Novembre 2002.

Tapis magique… La route de la soie. « Kashgar au seuil de deux mondes ». 3/5.

De Xi’an à Tabriz. Octobre/novembre/décembre 2002 – mai/juin 2005.

« Kashgar au seuil de deux mondes ». 3/5.

Nous bifurquons et pénétrons dans le silence étouffé de la vieille ville. Escaliers et passages sombres, ruelles tortueuses et allées étroites constituent un véritable dédale enchâssé par de hauts murs d’adobe des habitations aux doubles portes. Si les deux battants sont fermés, cela signifie qu’il n’y a pas d’homme à la maison ; seule une femme est alors autorisée à entrer. Si un seul battant est ouvert, un homme est présent et ainsi tous les invités sont les bienvenus. Les portes grandes ouvertes signifient que la famille reçoit, néanmoins, il est permis de se joindre à eux.

Nous flânons, traînons, l’atmosphère feutrée nous berce, nous apaise. Et par les portes ouvertes nous captons un aperçu de la vie dans ce quartier millénaire. Les cours intérieures, plantées de figuiers, de géraniums, de vignes et de rosiers, donnent une impression de fraicheur.

Des enfants, crasseux mais heureux, fouettent leurs toupies, jouent avec une roue de vélo, vite abandonnées dès qu’ils nous aperçoivent. Poser pour la photo est autrement plus intéressant !

Dans ce labyrinthe c’est le dallage, défoncé, des ruelles qui nous aide à nous orienter : les pavés hexagonaux indiquent un débouché tandis que les pavés rectangulaires préviennent d’une impasse. Zone d’ombre et de lumière, dans ce quartier figé dans le temps règne la douceur de vivre d’autrefois.

Chine, Xinjiang, Kashgar, vieille ville ouïghoure. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, vieille ville ouïghoure. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, vieille ville ouïghoure. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, vieille ville ouïghoure avec dallage indicateur. Novembre 2002.

Tapis magique… La route de la soie. « Kashgar au seuil de deux mondes ». 2/5.

De Xi’an à Tabriz. Octobre/novembre/décembre 2002 – mai/juin 2005.

« Kashgar au seuil de deux mondes ». 2/5.

Une porte plaquée de tuiles bleues et blanches donne accès au complexe d’Abakh Khoja, le lieu le plus sacré du Xinjiang, et l’un des plus beaux exemples d’architecture islamique en Chine. Abakh Khodja fut un dirigeant puissant, adepte de la secte de la « Montagne blanche » et chef religieux soufi, vénéré comme un prophète.

L’atmosphère dans l’enceinte, planté de nombreux arbres, est sereine. À l’ombre de vieux peupliers se dresse la mosquée funéraire. Construite en briques claires, elle possède de fins minarets élancés aux sommets bombés. Le portique possède un beau plafond à décor géométrique soutenu par de magnifiques piliers en bois aux chapiteaux à muqarnas sculptés de formes géométriques et de fleurs peintes de couleurs vives. Caressé des rayons de soleil qui percent à travers les branches des arbres, de l’ensemble émane de la nostalgie. Car la peinture est écaillée, le bois rongé par le temps, la poussière infiltrée dans les reliefs. Une touche de négligence qui ne fait que rehausser la beauté du petit sanctuaire. Baignés dans cette étrange luminosité, captant une fleur, une guirlande, une touche de jaune ou un éclat de bleu, nous savourons ces instants.

Le mazar, mausolée, se dresse magistralement contre le ciel bleu saphir. Cinq générations reposent dans ce lieu de mémoire. Datant du début du XVIIe siècle, il est composé sur un carré de 36 mètres de côté, soutenu par quatre minarets à profil courbe, et couronné d’un dôme imposant couvert de céramique à glaçure vert empire qui brille intensément au soleil. À l’intérieur gisent les cénotaphes drapés de riches étoffes, soie et brocart. L’une d’entre elles appartient à Iparhan, la petite-fille d’Abakh Khodja, la mystérieuse « concubine parfumée »… 

Au milieu du XVIIIe siècle, l’empereur mandchou Qianlong, en pleine conquête de l’Ouest, entend parler d’Iparhan, une jeune femme ouïghoure d’une grande beauté qui diffuse une fragrance supposée magique. L’empereur, intrigué, exige qu’elle intègre son harem. Elle prend alors le nom de Xiang Fei, « la concubine parfumée »… Iparhan, loin de sa terre natale, est inconsolable et l’empereur, désespéré, lui demande ce qui pourrait la rendre heureuse. « Un arbre avec des feuilles argentées et des fruits dorés », répond-elle. L’empereur, sans attendre, envoie une délégation à Kashgar pour ramener cet arbre connu sous le nom de jujubier et Xiang Fei retrouve enfin la joie.

Les Ouïghours racontent une toute autre version de l’histoire, nettement moins romantique. Selon eux, Iparhan ne cherche qu’à se venger pour l’avoir arraché à sa famille. Elle refuse de se donner à Qianlong et arpente ses appartements dans la Cité interdite avec une dague cachée dans sa robe en attendant le moment où l’empereur l’oblige à venir dans le lit impérial pour l’assassiner. Découverte, elle se donne la mort par strangulation avec un foulard en soie. Quelle que soit la version réelle, Iparhan avait émis le souhait d’être enterrée à Kashgar et Qianlong respecte sa demande. Un convoi de 124 personnes traverse la Chine en trois ans et demi pour rapporter sa dépouille. Elle trouve l’ultime repos au sein du mausolée familial d’Abakh Khoja entourée des siens.

Chine, Xinjiang, Kashgar, complexe d’Abakh Khoja. November 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, complexe d’Abakh Khoja. November 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, complexe d’Abakh Khoja. November 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, mazar d’Abakh Khoja. November 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, complexe d’Abakh Khoja. November 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, complexe d’Abakh Khoja. November 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, complexe d’Abakh Khoja. November 2002.

Tapis magique… La route de la soie. « Kashgar au seuil de deux mondes ». 1/5.

De Xi’an à Tabriz. Octobre/novembre/décembre 2002 – mai/juin 2005.

« Kashgar au seuil de deux mondes ». 1/5.

Pendant deux millénaires, les voyageurs évoquaient l’oasis isolé de Kashgar en termes élogieux. Grâce à sa position privilégiée au carrefour des routes commerciales, jonction entre les pistes nord et sud de la route de la soie, l’oasis, dès le IIe siècle avant notre ère, prospère.

La région autonome ouïghour du Xinjiang est la province la plus septentrionale de la Chine et son nom signifie « nouvelle frontière ». Kashgar marquait la fin de l’Occident. C’est à partir d’ici que s’ouvrait la porte des mystères de la Chine, la contrée des hommes jaunes aux yeux bridés et l’étoffe fabuleuse dont chacun tenta de percer le secret, la soie. À la croisée des chemins de la géographie et de l’histoire, elle subit les vagues successives de conquérants, de nouvelles civilisations, l’influence de grandes religions. 

Au seuil de deux mondes, Kashgar a subi l’influence de l’Orient comme de l’Occident. Aujourd’hui encore, elle garde ses traditions anciennes. Fidèles, marchands, paysans, tous répètent des gestes centenaires.

Autour de la mosquée d’Id Kah, dans le quartier ouïghour, les rues sont bordées de belles demeures à deux étages. L’aywan, loggia, aux arcades coupées, déborde sur la rue sur toute la longueur de la façade. Sculptées de fleurs et de guirlandes et peintes de bleu foncé, turquoise, vert, jaune et rouge, souvent terni par le temps, ces maisons évoquent le faste du passé. Dans ce quartier commercial les magasins sont regroupés par spécialité : couteliers, chapeliers, cordonniers, luthiers, apothicaires, marchands de tapis… Les trottoirs sont occupés par des pigeons, des coqs de combat et des poules dans leurs cages, des montagnes de melons et d’œufs. Un barbier, installé sur une chaise devant son salon de coiffure, attend le client. Dans les boutiques du « Gold Bazar » se forment des attroupements de silhouettes voilées. Je souris à la vue d’une femme qui admire ses toutes nouvelles dents en or dans le miroir que lui tend son dentiste-orfèvre.

Tristement, Kashgar est au cœur d’un conflit éternel avec seulement un gagnant possible. Les Ouïghours, peuple turcophone et musulman sunnite, sont sévèrement opprimés par les Chinois Hans et des atteintes systématiques sont portées à leur langue, à leur patrimoine et à leurs traditions religieuses. Un conflit palpable, présent dans tous les aspects de la vie quotidienne.

Chine, Xinjiang, Kashgar, quartier ouïghour, mosquée Id Kah. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, quartier ouïghour, mosquée Id Kah. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, quartier ouïghour. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, quartier ouïghour. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, quartier ouïghour. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, quartier ouïghour. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, quartier ouïghour. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, quartier ouïghour. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, quartier ouïghour. Novembre 2002.
Chine, Xinjiang, Kashgar, quartier ouïghour. Novembre 2002.